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Cearriveenfrance
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Courrier du coeur

Courrier du coeur

                                                                                              Paris, 3 mars 1972

 

                                              Mon petit cœur chéri

Tu permets que je t'appelle comme ça ?

Je suis donc bien rentrée hier.

Pour une fois, j'avais une place assise dans le train. Ca me changeait des autres dimanches.

J'ai téléphoné à la frangine qui est "fumasse" que je ne sois pas au boulot et que je ne suis pas allée voir notre mère. Franchement, elle est miro...Entre ma mère et toi, y'a pas photo quand même. Elle devrait comprendre ça. On dirait une vieille du haut de ses 24 ans.

Ensuite, j'ai téléphoné au chef. Il était dans une colère terrible disant que j'aurais du m'arranger pour revenir. Je le mets, parait-il, dans une drôle de situation car il faut avoir une raison plausible pour ne pas venir travailler.

Il ne peut même pas me retenir ma journée, sinon, je suis obligée de revenir le 2 mai.

Qu'est-ce que je vais prendre demain !

Cela m'a mise patraque, je me sens toute chose.

Je ne m'attends pas non plus à une bonne réaction de ma mère. Font tous c...., jamais tranquille. Bon, te fais pas de souci pour moi, ça va bien s'arranger.

Tout à l'heure, n'étant pas allée au boulot, comme je te le dis plus haut, je suis allée chercher les faire-part. Je mets 3h30 à la mairie, au lieu de 3h. Ca te va ? Comme ça, tout le monde sera content.

Encore 15 jours sans toi, ça va être long. D'autant plus avec tous les soucis.

Tout de même, quand je suis avec toi, je me sens moins seule pour faire face aux ennuis.

Je vais donc te quitter et te dire à demain pour te raconter la réaction de mon chef. Tu te rends compte, j'ai compté tes lettres, 89 (vrai). Ma sœur se demande ce que nous pouvons bien nous raconter.

Mon travail me donne du fil à retordre. Tu sais ce que m'a dit le Chef ? "est-ce que vous vous rappellerez l'heure et le jour de votre mariage ?".

ps : au fait, tu sais, quand j'étais dans le train, assise dans le compartiment ; pour une fois que j'étais assise.... j'ai vu une femme debout dans le couloir qui t'aurait fait tomber en pamoison. Tous les hommes se retournaient sur elle. Même que j'en ai vu un la mâter avec insistance, il en bavait presque, il avait les yeux qui lui sortaient des orbites. Elle était d'une beauté ! On aurait dit une héroïne d'Hitchcock dans le crime de l'Orient-Express. A côté d'elle, je me sentais bien fade.

Bon, après tout, peut-être que tu ne l'aurais pas regardé, cette jolie parisienne, ébloui par moi, la petite provinciale. 

Après tout, moi, je suis 100 % bio, élevée au bon lait de vache.

Qui dit que, elle, elle n'a pas été élevée aux hormones ! Oui, c'est un truc nouveau, parait que certains paysans rajoutent de drôles de trucs dans l'alimentation des bêtes pour les faire grossir plus vite. Je rigole, je me dis que tu en aurais bien besoin.

Mais non, je ne me moque pas de toi...