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Cearriveenfrance
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Je parle, on m'écoute, j'existe. Témoignages de militants

Je parle, on m'écoute, j'existe. Témoignages de militants

Un jour d'avril 1980, raconte Maurice, en allant à la gare, en passant dans le jardin public, je vois des retraités jouant aux boules. J'avais un paquet de tracs sous les bras. Je n'ai rien contre les boules, mais je pensais que, demain, les camarades de Lip viendraient à l'union locale vendre des montres. J'en ai informé les boulistes.

Ce jour d'avril, l'équivalent de 2000 euros ont été collectés pour les Lip - lip qui déposa son bilan en 1973 - Lip est liquidée, mais les ouvriers lancent 6 coopératives qui perdurent encore..

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Mohammed Chalbi (technicien aux Ateliers d'art français à Ivry, ancien CGT, il a adhéré au syndicat de la métallurgie CFDT, à cause du "D" de démocratie qui signifie selon lui, démocratie, débat, diversité"

- Maurice est là 24h/24, 7j/7..La maison des syndicats, c'est sa maison. Il est militant à 200%. Son âge, son expérience, sont un enrichissement. Nous avons besoin de lui. Beaucoup de personnes viennent chaque jour pour des problèmes de logement, de travail, de papiers administratifs, des sans-logis, des réfugiés africains, maghrébins, que nous aidons dans leurs démarches. Les samedis, un avocat vient spécifiquement pour les sans-papiers. Maurice est persévérant, ne lâche rien, il n'accepte jamais d'abandonner. Il rabâche, répète 1000 fois, avant de trouver la solution. Il est tout, sauf un naïf.

Patrick Labboz, secrétaire général de la CFDT Val de Marne, constate avec tristesse que, des militants comme Maurice, il n'y en aura sans doute plus. "toujours, il fait preuve d'une modestie incroyable. Il ne compte pas son temps pour trouver des adhérents..Il réussit presque tout. Ici, tout le monde est admiratif, car des gens dévoués comme lui, c'est plus que rare. Son dévouement est sans bornes et nous ne trouvons pour ainsi dire plus de jeunes pour prendre la relève.

Françoise Lareur, ancienne secrétaire régionale de la CFDT d'ile de France témoigne :

- J'ai connu Maurice en 1993, quand je suis arrivée à Paris. Pour moi, c'est le militant emblématique de la CFDT, pilotant des projets, réalisant un travail de proximité extraordinaire. Ce qui est remarquable chez lui, c'est cette volonté de défendre les salariés, dans le respect des personnes et dans leur liberté. Maurice reçoit et trouve des solutions. Pour lui, il y a toujours des solutions, même dans les situations les plus difficiles. Je ne l'ai jamais vu aigri. Il garde toujours ce beau sourire, en toutes circonstances. Il est toujours en forme. (il a réussi à faire remettre des bancs dans le centre-ville, à faire installer des toilettes, ce dont certains politiques n'auraient jamais pensé)..Tant qu'il n'a pas obtenu satisfaction, il s'accroche..

Azedine Aris (technicien à la RATP, militant de la CFDT de longue date à Choisy le Roi).

- Maurice est un homme joyeux, toujours présent aux fêtes de la Solidarité. C'est un homme sensible qui n'aime pas parler de lui. Il n'y a pas 2 Maurice.. Il a le coeur tendre, il est prêt à donner n'importe quoi, à se jeter dans la Seine pour quelqu'un. C'est au delà du combat, au delà de la générosité. Il est comme le Samu, il réagit tout de suite. Tu as faim, il te donne de l'espoir. C'est un père. J'ai perdu mon père et je le considère comme un 2e papa. Maurice, c'est bien plus qu'une médaille du mérite qu'il lui faut. Il lui faut une avenue Maurice Berthelot à Choisy. C'est un homme qui régénère. Maurice, c'est une nation. IL laissera un grand vide quand il partira. C'est quelqu'un de très cher poursuit Azedine Aris. Dans mon quartier, le quartier des Navigateurs, 40 % des personnes âgées ne sortent plus de chez elles. Maurice les aide à faire leurs courses (quand même 90 ans qu'il a). Il les console, leur tient compagnie. Il est un peu comme Coluche. Pour nous, c'est une légende. Maurice est un syndicaliste. Quand il veut quelque chose, il l'obtient. Il n'abandonne jamais. Il a le syndicalisme dans la peau. Il entre partout, il n'a pas de freins, il dialogue toujours sur des bases concrètes. Il transmet ce qu'il a vécu, comme en Mai68 (oui, il était de toutes les manifestations).

Deux évènements l'ont particulièrement bouleversé au milieu des années 80 - un jour, une femme débarque à la Bourse du Travail. Elle me dit que 24 ouvrières, couturières de textile, dont elle-même, d'une usine proche n'ont pas été payées depuis 3 mois. Je vais voir la patronne. Nous discutons. A la fin, elle accepte de payer. Promis ? Promis ? Promis ! Il s'agit de l'atelier de confection "Christiane couture" dont les employées sont en majorité Sri Lankaises et Laotiennes, certaines ne parlant pas le français et presque toutes immigrées. Je vais annoncer la bonne nouvelle aux ouvrières.

Le lendemain, je retourne à l'atelier. Je comprends aux mines tristes qu'elles n'ont pas été payées. Tout d'un coup, un diable sort d'un bureau, saisit une machine à coudre et me lance "je vais te tuer, je vais te tuer". C'était le patron. Les gens hurlaient. La police est arrivée, les pompiers aussi.

J'ai pris la parole et j'ai dit que je reviendrai le lendemain. En fait, le couple n'a pas réglé sa dette et est parti à la cloche de bois, emportant des machines. Avec le syndicat, nous avons accompagné les ouvrières aux Prud'hommes. Elles ont gagné, mais ça a été long et éprouvant.

Quelques mois plus tard, en mai 1985, à Vitry, un jeune immigré africain, appuyé sur des béquilles, pleurant à chaudes larmes, handicapé à 80 %, me dit 

- je n'ai plus de logement, j'ai été expulsé

- avez-vous vu le maire d'Ivry que Maurice lui demande ?

Il n'avait vu personne et restait là, sans être écouté, sans espoir.

 - j'ai décidé de l'accompagner chaque matin à la Mairie. J'ai entendu des propos racistes. "pourquoi défendez-vous un étranger ?". Nous mangions ensemble des sandwichs. Les autorités se renvoyaient la balle, entre foyers de travailleurs, DDASS. Un matin, nous avons été embarqués dans un car de police. J'ai dit au commissaire de Vitry que lui seul pouvait nous sortir de là. Il a téléphoné à la préfecture. Nous sommes allés à Créteil et un logement a été trouvé dans un foyer. Pour moi, c'était une action syndicale, une solidarité humaine au dessus de tout.

Il y a toujours des solutions, pas parfaites sans doute. Mais, il y a toujours moyen d'avancer. Le syndicalisme, ça prend aux tripes. Si quelqu'un a besoin d'aide, il faut l'aider. Quand on vit seul, mal dans sa peau, on n'ose pas se déplacer. Souvent les gens viennent et s'excusent, pensant nous voler notre temps. Non, le syndicalisme est un lieu où l'on peut découvrir, faire avancer ensemble. Nul ne peut rien faire tout seul. Le syndicalisme, c'est s'occuper de la personne humaine. Des gens viennent nous voir en pleurant, je ne peux rester insensible. Le syndicalisme, c'est regarder, écouter les gens, leur parler, même si ça leur déplait. A partir du moment où nous sommes en contact d'humains, c'est formidable. C'est la personne, la femme, l'homme que nous regardons. Et même si elle a fait une énorme bêtise, il est toujours possible de retourner la situation. Si ce regard, cette écoute s'appliquaient dans la vie courante, les gens iraient mieux.

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Voilà des facettes, des témoignages, parmi d'autres, d'un homme exceptionnel, au service des autres. Quelqu'un a dit "une sorte d'Abbé Pierre" à qui il vouait une grande admiration. Pourquoi pas !