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Cearriveenfrance
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4 femmes, 4 destins différents

4 femmes, 4 destins différents

4 femmes, 4 destins différents

~~Sophie n’est ni droguée, ni alcoolique. Elle n’a jamais vécu en marge de la société. Pourtant, elle est à la rue. « Sans domicile, insiste-t-elle. Pas SDF, je déteste ce mot. Je suis juste en galère à un moment de ma vie. »

Alors que le dispositif hivernal mis en place par la préfecture entre le 1er novembre et le mois de mars est activé dans le Puy-de-Dôme, Sophie dort dans sa voiture depuis le 23 octobre. Heureusement, la semaine dernière, alors que les températures étaient négatives, elle a été prise en charge par le DAL (droit au logement) et hébergée chez des bénévoles. À cause du froid mais aussi parce qu’elle a été agressée. C’était le 7 janvier. « Une femme à la rue, c’est une proie », affirme Sophie. Au 115, « on me dit de rappeler demain »

À 47 ans, titulaire d’un bac pro dans l’hôtellerie, elle travaille en Savoie, sa région d’origine. Puis c’est le chômage. En octobre, elle est en fin de droits. On lui propose un travail à Super-Besse. Banco. Elle lâche son appartement, met ses affaires dans la voiture et prend la route.

« Arrivée à Super-Besse, il y avait bien le travail mais pas la chambre promise. Mon petit salaire ne me permet pas de me loger ».

Elle se replie sur Clermont. « Pas beaucoup d’argent, pas de connaissances », elle compose le 115, le numéro d’urgence. « Rappelez demain. Ce soir, on n’a pas de place ». Parmi les petites phrases qui lui vrillent le cœur, il y a aussi « Vous n’avez pas d’enfant, vous n’êtes pas prioritaire ».

Cette nuit-là, elle reste dans sa voiture. Une première. Dès le lendemain, pour rebondir vite, elle va à Pôle emploi. Nouvelle déception : « Madame, vous ne pouvez pas chercher du travail si vous n’avez pas d’adresse ». La solution, lui dit-on, se faire domicilier au centre d’accueil de jour. Une femme seule, cela attire les ennuis

« Aujourd’hui, je suis persuadée que cela m’a porté préjudice. J’ai envoyé une vingtaine de CV. Je n’ai eu aucune réponse. Je pense que lorsqu’ils voient l’adresse, ils ont peur ».

Les agences immobilières ne lui donnent pas plus espoir : « Je fais peur aussi, je n’ai pas de garant ». Elle fait son dossier de demande de logement social. Elle est prioritaire « mais il ne se passe rien ». La rue la retient. Sa voiture tombe en panne. Elle ne peut plus changer d’endroit pour dormir. Elle a de plus en plus peur. « Une femme seule à la rue, cela attire les ennuis. J’ai baissé la tête, rasé les murs. Je ne me mélange pas ». Elle ne boit pas une goutte d’alcool, « cela me rendrait trop fragile ». Elle parle de harcèlement moral et sexuel.

Fin décembre, enfin une bonne nouvelle : elle touche le RSA, 524 euros par mois. Heureusement car « vivre à la rue, c’est cher. Un sandwich, un café, c’est 6 € ». Sans parler de la nuit d’hôtel à 50 euros. Elle se l’offre après son agression « pour souffler ». Elle ne veut pas retourner au foyer d’urgence. « J’ai eu une place une fois par le 115. Quatre lits réservés aux femmes, dont deux dans une pièce passante, dans un immeuble de deux étages où tout était fait pour les hommes ».

Le visage de la rue a changé, il y a les poux, la gale. « Je les ai attrapés rien qu’en serrant des mains ». Une fois, « ils ont voulu me mettre dans les bungalows. J’ai prospecté dans la journée. J’ai vu des espèces de containers, des toilettes de chantier dehors, la mixité aussi avec ces hommes que je fuis dans la journée…

Dans la rue, une femme est moins considérée qu’un chien ». Elle préfère sa voiture. Ses mains sont blessées par le froid. Tant pis. Le local du DAL fait office de bouée de sauvetage. « S’ils n’étaient pas là, je n’aurai pas tenu ». Martine et Fatima s’occupent beaucoup d’elle : « Elle a une volonté de s’en sortir qui force l’admiration », confirme Martine. Sophie lui jette un regard reconnaissant : « Je ne suis pas la seule.

Le visage de la rue a changé. J’ai aussi rencontré des gens très bien. Des femmes, des hommes, et même des familles. Ils cachent leur misère. Ceux-là, on ne les voit pas mendier ou errer sur les bancs publics. Ils font tout pour avoir l’air “normaux”. Le défi de la journée, c’est de trouver une douche ! ».

Lu sur le journal La Montagne de jeudi.

****Aux dernières nouvelles, le maire de Besse-Super-Besse serait en train de chercher une solution pour cette femme qui a tout perdu. Quand je pense à tous les logements vides à Vichy et dans tous les villages français, on pourrait en loger du monde.